La Dame de Saint-Lunaire
Il arrive que magnifiquement seul, l'on rêve sa demeure et entreprend de l’édifier à l’image de ses désirs. Jeanne Devidal a été cet être magnifiquement seul décrit par André Breton. Une femme qui s’adressait ainsi à ses contemporains : Vous êtes la bagarre d’un monde qui chavire !
D’un anticonformisme assumé, exposé publiquement contre vents et marées, Jeanne Devidal est l'héroïne en creux d'un documentaire d'Agathe Oléron : La Dame de Saint-Lunaire.
Disparue en 2008 à l’âge de 100 ans, celle qu'on appelait la folle n’aura finalement laissé d’elle et de son grand’œuvre que quelques photos et quelques bribes de voix enregistrée. Ce sont les fragiles archives sur lesquelles Agathe Oléron a construit son film, à l’image des matériaux rudimentaires que Jeanne a utilisé durant sa vie d’artiste de la construction : cageots, ferrailles, bouts de bois, des briques et du brac pris dans des coulées de béton, au mépris total des règles de construction et d’urbanisme; un film qui parle finalement moins de la dame que de l’impression laissée par son comportement hors-normes : entre fascination et peur.
La Dame de Saint-Lunaire traite au fond du droit à être non conforme, à sortir des standards, à transgresser la norme sociale. Toute chose qui caractérise une artiste qui ne se concevait d'ailleurs par forcément comme telle.
LA DAME DE SAINT-LUNAIRE
LA DAME DE SAINT-LUNAIRE
un film d'Agathe Oléron (2016)
À l'occasion d'une édition DVD du film par De Fil en Films, découvrez la scène d'exposition du film, avec notamment le chanteur Dominic Sonic récemment disparu.
Saint-Lunaire, Bretagne, années 50. Une construction insolite fait son apparition. Certains la nomment la maison de la folle, d’autres y voient l’œuvre d’une artiste. Derrière cette invraisemblable demeure, se cache l’histoire de Jeanne Devidal, bâtisseuse hors du commun, ancienne receveuse des postes... Factrice Cheval ?
Première rencontre
Première rencontre
par Agathe Oléron
Quand j’ai eu 7 ans, je suis allée passer une semaine en classe de mer à Saint-Lunaire, avec ma classe de CE1-CE2 de Montfort-sur-Meu. J’étais dans le groupe des Hirondelles de mer et ce jour-là nous partions explorer la faune et la flore à marée basse. En faisant le trajet à pied entre le Petit Manoir, sorte de petit château où nous étions logés et la plage de Longchamp, nous sommes passés devant la drôle de maison dont j’avais entendu les adultes parler tout bas : La maison de la folle.
Elle ressemblait à un château de sable géant avec des morceaux de cagettes, de briques, de bouteilles en plastique, de boîtes de conserve, de ciment, plein de ciment. La folle était devant sa maison ! Elle avait une grande capuche qui faisait de l’ombre sur son visage. On distinguait ses yeux brillants et son sourire. Elle était contente de nous voir, elle aimait bien les enfants. Elle nous a fait entrer dans sa maison, dans un couloir… Je me rappelle d’avoir été à la fois émerveillée et apeurée. La mer était au bout de la rue et quand elle allait monter, peut-être que nous serions engloutis, que ce château de sable géant nous garderait pour toujours en lui… Et cette femme, pourquoi les adultes disaient qu’elle était folle ? Qu’est-ce que ça veut dire folle ? Est-ce que ça veut dire que c’est une meurtrière ? Comment ça s’attrape, la folie ? Si on touche les murs de sa maison, est-ce qu’on deviendra fous nous aussi ?
La folle, en chanson
La folle, en chanson
Dominic Sonic
Chanteur de 17 ans au sein du sulfureux groupe Kalashnikov dans les années 80, Dominic Sonic débute une carrière solo marquée par son premier album Cold tears vendu à 50 000 exemplaires, suivi de deux albums chez Barclay. Ensuite, il écume les festivals et les tournées en groupe et en solo. Comédien aux côtés de Jackie Berroyer, soutenu en tant qu’auteur par Jean Echenoz et Alain Bashung, invité aux Transmusicales 2002 à chanter avec The Stooges, Dominic a su gagner le respect de ceux qui ont contribué à façonner son style. Alternant guitares cinglantes et chanson réaliste, poésie froide et psychédélisme, il ne s’interdit rien. Accompagné depuis 2007 par Frank Hamel et Patrick Sourimant de Bikini Machine, il sort en 2015 son dernier opus intitulé Vanités#6, journal intime illustré de riffs glam, palette d’humeurs et de sons.
Dominic Sonic est décédé en 2020 a 55 ans.
La folle de Saint Lunaire en chanson
Dominic Sonic connaît Jeanne Devidal et sa maison ; en 1992, il écrit cette chanson :
Il est un lieu étrange où couverte de terre
Se dresse une maison aux formes de termitière
Une pauvre femme s’y cache depuis quarante hivers
Cette femme que l’on surnomme La folle de St Lunaire
Que Dieu leur pardonne
Que Dieu leur pardonne tout
Nos glorieux résistants, à la fin de la guerre
S’empressant de punir traîtrises et adultères
Sans le temps d’un procès, ni même d’une prière
Cette femme fut rasée, chassée à coups de pierre
Que Dieu leur pardonne
Que Dieu leur pardonne tout
Descendants que vous êtes, de Judas décorés
Qui offrez aux teutons votre hospitalité
Sachez que cette femme dont la raison fut violée
N’avait que son honneur pour culpabilité
Que Dieu leur pardonne
Que Dieu leur pardonne tout
Agathe Oléron
Agathe Oléron
Après avoir réalisé des petits films d'animation en solitaire dans le cadre de ses années d'études à l'école des Beaux Arts de Rennes, Agathe Oléron intègre les équipes de production rennaises JPL Films et Vivement Lundi !, d'abord comme assistante du regretté Laurent Gorgiard, mais aussi avec Bruno Collet, Fabien Drouet, Pierre Bouchon, Jean-Claude Rozec, etc.
Graphiste et illustratrice, elle se spécialise dans l'habillage de film documentaire et dans la création de clips, teasers ou génériques en motion design. Elle travaille six mois dans les studios Calon TV à Cardiff au Pays de Galles sur la série Hana’s Helpline puis reprend ses études en conception et réalisation multimédia à l’école des Gobelins à Paris.
En vingt ans, elle a participé à de très nombreux films tout en entamant des recherches pour réaliser son premier film, La Dame de Saint-Lunaire. L'aventure de l’édition DVD incluant des bonus débute en 2019 avec Déborah Gillet et sa toute jeune société De Fil en Films.
La femme murée
La femme murée
par Yannick Pelletier
le Cri de l'ormeau
Par hasard, Fabienne Juhel tombe sur une brève information sur Jeanne Devidal (1908-2008), la folle de Saint-Lunaire, objet de dérision vivant dans une invraisemblable maison, mais aussi la Dame qui attirera touristes et tours opérateurs. Une maison que Jeanne agrandit, surmonte d’un mirador, sans permis et avec empiètement sur le domaine public ; une maison qu’elle décore/consolide avec tout ce qu’elle glane sur la laisse de mer ; une maison avec un tilleul qui pousse dans le séjour, où cohabitent chats, poules, Jeanne et ses Invisibles, bien présents, comme son frère Lucien, mort en déportation. Les voisins effarés éprouvent pour Jeanne une fascination tantôt hostile – ses cris dérangent –tantôt respectueuse : résistante, arrêtée et torturée par la Gestapo, elle serait protégée par un homme politique haut placé.
Entre biographie, roman et légende, entre terre et mer, entre rêves et intersignes, Fabienne Juhel crée et retrouve la vie profonde de Jeanne et de sa maison, consubstantielles l’une à l’autre. Elle invente la vérité humaine dans la rencontre fusionnelle de Jeanne rescapée du nazisme et d’un touriste japonais rescapé d’Hiroshima.
Qui a raison dans un monde en pur délire rationnel ?
La femme murée un livre de Fabienne Juhel aux éditions du Rouergue.
Construction d’un projet
Construction d’un projet
OUEST FRANCE >>> Mais qui était donc la Dame de Saint-Lunaire ? La réalisatrice Agathe Oléron retrace dans un film l’histoire de Jeanne Devidal, propriétaire et bâtisseuse d’une construction hétéroclite, près de la plage de Longchamp.
TY FILMS >>> Faire ce film, ça m’a permis de voir que c’est vraiment ce qui me correspond. Dans ma carrière professionnelle, c’est la première fois que je suis autant à l’aise. Agathe Oléron s’affirme en temps qu’auteur avec son premier film en cours de montage à Mellionnec. Elle nous raconte son chemin de création.
UNIDIVERS, Marie-Christine Biet >>> Comment, d’une découverte faite lors d’une sortie scolaire, naît le documentaire d’une trentenaire, vingt-cinq ans après la démolition de la maison de la folle ? Construction d’un projet.
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