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Avec Le bleu blanc rouge de mes cheveux, Josza Anjembe nous raconte une histoire qui lui est réellement arrivée : le constat de l’impossibilité d’avoir la nationalité française en raison d’une coupe de cheveux qui ne correspond pas aux canons administratifs. L’on pourrait penser qu’elle a forcé le trait, mais non. Une tignasse à la Angela Davis ne rentre pas dans le cadre légal.
Au-delà de l’anecdote, le film prend les clichés à rebrousse-poil. Ici les immigrés sont parfaitement intégrés : études brillantes, volonté de s’impliquer dans le projet national… En comparaison les autochtones font pâle figure.
LE BLEU BLANC ROUGE DE MES CHEVEUX
LE BLEU BLANC ROUGE DE MES CHEVEUX
de Josza Anjembe (2016 - 20’)
À 17 ans, Seyna, une adolescente camerounaise se passionne pour l'histoire de la France, le pays qui l'a vue naître et dont elle est amoureuse. Son baccalauréat en poche et sa majorité approchant, Seyna n'aspire qu'à une chose : acquérir la nationalité française. Mais son père Amidou s'y oppose.
>>> un film produit par Yukunkun Productions Gabriel FESTOC et Nelson GHRENASSIA
Entretien avec Josza Anjembe
Entretien avec Josza Anjembe
Qu’est-ce qui a déclenché l’idée originale du Bleu blanc rouge de mes cheveux ?
C’est une longue histoire ! J’avais d'abord envie de long métrage. Et puis plusieurs personnes m’ont dit qu’il serait très compliqué d'en réaliser un sans avoir rien fait auparavant. Je suis donc allée chercher dans mon intimité ce qui m’avait marqué le plus ces dernières années. Et je me suis souvenue de cet événement où lorsque j’ai fait faire un second passeport pour le travail, on m’a dit que j’étais hors cadre à cause de mon afro. J’ai décidé d’en faire un film, mon premier court métrage.
Votre expérience en tant que réalisatrice se situe au niveau du documentaire. Qu’est-ce qui vous a attiré vers la fiction ?
En tant que journaliste, je ne jurais que par le documentaire, genre que j’aime toujours autant. Je ne m’attendais pas un jour à faire de la fiction. Personne dans ma famille ne fait de cinéma et je n’y allais pas souvent non plus. Il se trouve qu’un jour je me suis fait larguée et je me suis mise à écrire. J’ai montré mes essais à un ami qui m’a conseillé de m’intéresser à la fiction, ce que j’ai fait. Et là, c’était une révélation. J’ai adoré ça.
En termes de réalisation, y-a-t-il des choses que vous avez apprises en faisant des documentaires qui vous ont aidé à faire Le bleu blanc rouge de mes cheveux ?
Les documentaires m’ont certainement enseigné que le cinéma c’était du temps à écrire, à réfléchir, à se documenter, à se planter, à recommencer. Du coup, je ne vis pas le temps comme une contrainte mais comme un allié. Mais comme je le disais juste avant, la fiction est un accident dans mon parcours. D’une manière générale, je ne me pose pas la question de savoir comment les documentaires que j’ai faits peuvent enrichir les fictions que je veux réaliser. Le seul dénominateur commun qu’il y a entre ces films, c’est mon exigence et l’honnêteté que je m’impose d’avoir en permanence. Si ces deux conditions ne sont pas réunies, alors je considère que ce que j’ai dire ne mérite pas de faire un film.
Le casting est fantastique dans son ensemble, mais Grace Seri se démarque clairement avec une excellente performance en tant que Seyna. Comment l’avez-vous choisie ?
En France, il est difficile de trouver des comédiens noirs de l’âge du personnage de Seyna. Non pas parce qu’ils n’existent pas mais parce que l’industrie ne les rend pas suffisamment visibles pour des raisons que je ne vais pas exposer ici. Reste que mon producteur m’a conseillé un jour de regarder du côté du Conservatoire de Paris. Je suis tombée sur Grace et lorsque je l’ai vue pour la première fois, j’ai su que c’était elle avant même qu’elle ne dise ou ne fasse quoi que ce soit.
La famille a une très forte cohésion à l’écran. Est-ce que vous aviez prévu une période de répétition ou avez-vous commencé à filmer directement ?
Le défi concernant cette famille c’était de monter une unité. Du coup, nous avons fait des répétitions durant lesquelles il n’était pas question du texte. Nous avons mangé, dansé et joué à des jeux de société. C’était le seul moyen que j’ai trouvé pour qu’un lien et une complicité se créent entre eux.
Comment avez-vous commencé à travailler avec Nelson Ghrenassia en tant que réalisatrice et producteur ?
Une amie m’avait parlé de Nelson. Elle m’avait aussi donné une liste de producteurs qui auraient pu être intéressés par Le bleu blanc rouge de mes cheveux. Et le hasard a fait que nous nous sommes rencontrés le lendemain. Je suis allée le voir en lui disant : bonjour, je m’appelle Josza, j’ai un scénario. Deux ou trois jours plus tard il me rappelait et nous avons commencé à travailler ensemble. C’était une première pour moi et je crois avec le recul, que j’ai fait le bon choix.
Quels étaient les défis, créatifs ou logistiques, auxquels vous avez fait face durant la création de ce film ? Et comment les avez-vous surmontés ?
Le plus grand challenge c’était de réussir la scène de tonte. Il n’y a aucun trucage, c’était mon exigence. Nous ne pouvions pas rater cette scène, sinon c’était tout le film qui partait à la poubelle. Et c’est tout naturellement qu’avec mon équipe nous nous sommes dirigés vers ce moment crucial. Je ne suis pas quelqu’un qui aime le conflit et que crois que j’aime les gens. L’ensemble de mon équipe me l’a rendu sur le plateau et ça s’est ressenti ce jour-là. Il y avait un grand silence, beaucoup de respect et d’amour à ce moment précis du tournage. Beaucoup ont fini en larmes. Il me semble que c’est comme ça que ça s’est passé.
Quels sont vos prochains projets ?
Pour le moment j’écris un projet de long métrage qui me prend tout mon temps. Après, j’ai d’autres idées mais je suis du genre à ne pas brûler les étapes alors j’y vais doucement, mais sûrement.
Josza Anjembe
Josza Anjembe
Josza Anjembe est réalisatrice. Née à Paris en 1982 avec un frère jumeau d'une mère infirmière et d'un père couvreur camerounais, elle grandit à Bondy et aux Lilas. Après son baccalauréat, elle obtient une maitrise en communication à l'Université de Paris 8. En 2014, elle suit une formation d'assistanat à la réalisation (CIFAP), d'analyse d'image (INA) et de réalisation (Artwork). En 2016, elle étudie le scénario (Le Groupe Ouest). À partir de 2004, Josza travaille comme journaliste pour TF1, puis pour France5 et France2.
Entre 2009 et 2011, elle est journaliste reporter d’images pour la chaîne de télévision Africa 24. En 2017, elle continue à piger comme journaliste, notamment pour Canal+ Afrique. En 2012, elle est lauréate de la Bourse de la vocation de la Fondation Bleustein-Blanchet. En 2014, elle participe à Talents en court du Jamel Comedy Club, dispositif grâce auquel elle espère réaliser son premier court. En 2015, elle obtient la Bourse des festivals offerte par Kiss Films et le CNC. Elle réalise en 2016 son premier court-métrage Le bleu blanc rouge de mes cheveux, sélectionné dans près de 200 festivals et nommé aux César en 2018. Elle est membre des jurys de l'Action nationale Les 24h des 24h des réalisations (2016), du festival Buzzons contre le sexisme (2013-2016), du Paris virtual film festival (2017), du festival de Saint-Paul-les-Trois-Châteaux (2017). Josza Anjembé donne également des cours à l'école Miroir, au lieu Le Bal - La fabrique du regard, pour YouTube et aux CÉMÉA.
Une identité bafouée
Une identité bafouée
LE MONDE >>> Josza Anjembe témoigne : on m’a dit que j’étais hors cadre alors que l’on prenait ma photo d’identité. Ça a été l'élément déclencheur de ce film. Un moment d’une extrême violence qui a remis en question mon appartenance à ce pays.
FRANCE CULTURE >>> Le bleu blanc rouge de mes cheveux : un film incisif, touchant, politique.
L’AFRO >>> Je voulais aborder le thème de la double culture à travers le conflit entre générations explique Josza Anjembe.
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