Le bel adieu
C’est parce qu’il se sent approcher d’un terme qu’en 2021 le cinéaste Jean-Louis Comolli propose à Dominique Cabrera de faire ensemble ce qui sera son dernier opus. Le film qui en résulte, Bonjour Monsieur Comolli, est donc une façon pudique de dire adieu.
S’ils ont en commun d’avoir vécu la fin de l’Algérie française en tant que pieds-noirs, c’est bien la passion du cinéma qui les tient proches. Le cinéma comme expérience du vrai, comme geste politique – la résistance aux destructions menées par le capital –, la projection en salle comme expérience du sacré.
Rien de sombre dans cette succession d’échanges, bien au contraire, des rires et du champagne pour aborder avec légèreté la gravité des choses, savourer le temps qui reste, ce que chacun donne pour qu’existe cette ardente traversée des rebords de l’existence. Il y a là un concentré d’intelligence et de délicatesse qui mérite qu’on s’y arrête, même pour ceux qui ne connaîtraient pas encore les protagonistes.
BONJOUR MONSIEUR COMOLLI
BONJOUR MONSIEUR COMOLLI
de Dominique Cabrera (2023 - 85’)
En 2021 et 2022, le cinéaste et critique Jean-Louis Comolli et la réalisatrice Dominique Cabrera se retrouvent pour quelques libres conversations filmées en compagnie d’Isabelle Le Corff qui prépare un livre sur l’œuvre de Jean-Louis. Il est question du film à faire, de ceux qui sont faits, de ce que les films ont fait d’eux, de la vie, de la mort et des jardins. On rit. On sourit. On n’est pas sérieux quand on a quatre-vingts ans.
>>> un film produit par Ad Libitum et Vià93 en association avec KuB
PROJECTIONS
Festival Cinéma du réel - le 02/04/2023
Festival FEMA La Rochelle - le 02/07/2023
Festival Femmes Marseille - les 12/13 octobre 2023
Festival Cinémed Montpellier - le 27/10/2023
Filmer sa présence
Filmer sa présence
par Dominique Cabrera
J’ai rencontré Jean-Louis Comolli il y a longtemps. Nous nous sommes croisés puis perdus de vue et retrouvés autour de projets de films. Un jour, alors que je voulais le voir, reprendre des conversations en présence, il a dit d’accord mais si c’est filmé ! On rit. D’accord. Trouve quelqu’un qui tienne la caméra. Il ne veut pas que je le filme moi-même. Il veut que je l’écoute. Ce serait une expérience. Si ça ne nous plaît pas, on pourra tout jeter. J’enrôle une chef-op amie, Karine, et Isabelle, qui enseigne le cinéma. Elle a un projet de livre avec Jean-Louis. On pourrait parler de la vie, de nos films, de ce que le cinéma a fait de nous. Une fois, une seule fois suffira. De fil en aiguille, on s’est retrouvés sept fois. Et on a surtout parlé de lui. Et c’était bien comme ça.
Filmer sa présence, le présent. Jean-Louis tenait à improviser. Nous préparions bien sûr, et nous nous laissions guider par ce qui arrivait. C’était son œuvre, notre ouvrage, son désir. On était là pour ça. Faire un film ensemble. Il avait dit : Il se peut que ce soit le dernier film auquel je participe, peut-être pas à la place du réalisateur mais là où quelque chose se passe…
Jean-Louis Comolli
Jean-Louis Comolli
Jean-Louis Comolli est un réalisateur et critique de cinéma français, né en 1941 en Algérie. Il découvre le cinéma à Alger puis part à Paris où il travaille aux Cahiers du cinéma, d’abord en tant que journaliste puis en tant que rédacteur en chef de 1966 à 1971. Il réalise son premier film en 1968, Les Deux Marseillaises, suivi de La Cecilia huit ans plus tard. Il réalise également une série de documentaires sur les élections à Marseille avec le journaliste Michel Samson, de 1989 à 2003. Il adapte par ailleurs plusieurs essais ou romans, tels que L’Affaire Sofri, Naissance d’un hôpital, Le Concerto de Mozart, Durruti portrait d’un anarchiste ou encore Face aux fantômes.
En plus de son activité de cinéaste, Jean-Louis Comolli est un temps journaliste pour Jazz Magazine et écrit plusieurs ouvrages sur le sujet. Il enseigne également à l’université Paris 8 et à l’université Pompeu-Fabra de Barcelone.
Jean-Louis Comolli décède à Paris le 19 mai 2022, à l’âge de 80 ans.
Dominique Cabrera
Dominique Cabrera
Dominique Cabrera est née en Algérie. Après des études de lettres et de cinéma (IDHEC) en France, elle y retourne pour réaliser en 1991 son premier documentaire, sur des pieds-noirs devenus citoyens algériens : Rester là-bas. Puis elle s’intéresse aux banlieues dans Chronique d'une banlieue ordinaire, puis Une poste à la Courneuve en 1994, qui évoque les rapports des agents du service public et des habitants de la cité des 4000. L’année suivante, elle amorce son passage à la fiction avec son film Demain et encore demain (journal 1995), suivi par L'Autre Côté de la mer avec Claude Brasseur et Roschdy Zem, Nadia et les Hippopotames avec Ariane Ascaride et Thierry Frémont, puis Le Lait de la tendresse humaine et Folle Embellie en 2004 avec Miou-Miou et Jean-Pierre Léaud.
Elle adapte ensuite la série noire de Marc Villard Quand la ville mord et tourne Ça ne peut pas continuer comme ça ! une fiction politique librement inspirée de la crise de la dette. Elle réalise ensuite Corniche Kennedy, l’adaptation du roman de Maylis de Kérangal, et sort en 2013 Grandir, son essai autobiographique multiprimé.
En 2019, en pleine crise des Gilets jaunes et lors de la marche contre les violences faites aux femmes, elle filme ces événements avec son téléphone portable et en fait deux courts documentaires : Notes sur l’appel de Commercy et Je marche avec #nous toutes.
Elle a récemment sorti Je ne lâcherai pas ta main, un court métrage à la mémoire des migrants disparus dans la Manche en novembre 2021 et a plusieurs projets documentaires et de fiction en production.
Par ailleurs, Dominique Cabrera a enseigné à Harvard, à la Fémis et à la Sorbonne et joué au cinéma pour Marie-Claude Treilhou, Antony Cordier et Élise Girard.
Un maître du documentaire
Un maître du documentaire
TÉLÉRAMA >>> La cinéaste Dominique Cabrera présente deux films lors du festival Cinéma du réel : Bonjour Monsieur Comolli et Un Mensch.
FRANCE CULTURE >>> Dominique Cabrera est l’invitée de l’émission Plan large afin de parler de ses deux derniers documentaires, sur Jean-Louis Comolli et sur Didier Motchane.
RADIO FRANCE >>> Tantôt cinéaste, tantôt critique, tantôt théoricien, Jean-Louis Comolli manie les mots aussi bien que la caméra. Au micro d’Arnaud Laporte, il revient sur ses imaginaires et son parcours de cinéphile éclectique, mais surtout utopiste.
FRANCE INTER >>> Au micro de Kathleen Evin, Jean-Louis Comolli revient sur son enfance en Algérie et son rapport avec son pays natal.
16 mai 2023 00:43 - Nadine Trestchenkoff
Une interview forte, riche d'humanité et de réflexion sur ce que filmer veut dire. Quelle présence ! Quel regard sur la vie et le cinéma.