Café bouillu
15/10/2025
D’emblée le décor est planté : les vaches dans le bocage, les coureurs cyclistes à la poursuite des voitures publicitaires, les habitants devant chez eux en tablier nylon et casquettes… Le peloton passé, les mêmes se retrouvent à l’intérieur, ça cause un peu en breton autour du comptoir, sur une étagère ripolinée des boîtes de raviolis ou de flageolets, thon ou sardines, sont là pour la clientèle en rupture de stock.
Maintenant qu’elle a pris sa retraite, Denise se souvient de la tournée de la patronne chaque vendredi midi, quand elle connaissait la vie et les goûts de chacun, de l’art de se faire respecter en engueulant le client pour rire. La vie à la campagne quoi.
Alors quand tout ça s’est arrêté à cause des normes qui changent, ça a été la fin d’un monde.
Heureusement, Sylvain Bouttet et Sophie Delacour se sont installés avec leur caméra dans huit de ces cafés au milieu des années 1990 pour en saisir l’ineffable poésie, et nous restituer une bouffée de bon vieux temps en deux temps trois mouvements. Ça s'appelle Café bouillu et c'est à siroter sans modération.
CAFÉ BOUILLU
CAFÉ BOUILLU
de Sylvain Bouttet et Sophie Delacour (1997 - 3 x 27')
Café bouillu est le fruit d'une traversée de deux ans qui a conduit Sylvain Bouttet et Sophie Delacour aux portes des cafés-épiceries bretons, en passe de disparaître. Ces petites boutiques familiales sans pareil, carrefours de la vie de village, abritent en leurs murs de nombreuses histoires. En trois volets datant de la fin des années 1990, tenancières et anciens habitués de ces lieux nous en livre des bribes avec une certaine nostalgie.
>>> une série produite par Jean-François Le Corre,Lazennec Bretagne et France 3 Ouest
Voyage au bout de chez nous
Voyage au bout de chez nous
L’été en Centre-Bretagne, course de vélo, boule bretonne, un café sans enseigne au bord de la route : Chez Yvonne à Maël-Carhaix. Un bar-restaurant à vendre, une femme seule dans la grande salle vide : Marie Mignon à Locarn. Les souvenirs remontent. Les images tournées le jour de la fermeture figent une époque révolue, pourtant si proche. Un Café-bazar fermé à Collinée, Chez Célestine. La fille de Célestine ouvre les volets et se rappelle la vie là encore. Douce, sans tristesse, elle parle de sa mère et de son bazar surnommé le T‘y trouves tout. Yvonne à Saint-Gilles-les-Bois sent la fin du commerce approcher. Elle se doute que personne ne le reprendra. Pourtant, dit-elle, pas besoin de faire un stage pour vendre deux trois paquets de cigarettes !
Plus ça mijote, plus c’est bon
Plus ça mijote, plus c’est bon
Le café Chez Simone en face de la ferme à Loguivy-Plougras. Simone s‘occupe de faire à manger à ses frères et du commerce de l‘autre côté de la rue. Tous parlent breton, la vie s‘écoule hors du temps.
À Lanrelas, au Café des quatre villages, Henri se repose près de la cheminée où mijote la soupe. La partie de palets se termine à l‘extérieur, les joueurs rentrent à l‘ombre jouer aux cartes.
Maria, à Saint-Gouéno, noue son bouquet garni dans le silence de son bar vide, place de l‘Église. La tête de veau chauffe dans la grande cheminée là aussi. Le glas sonne derrière la vitre. Un à un les clients arrivent et se mettent à table dans la salle à manger. Clients, copains, commerce ? La question ne se pose pas, le temps s‘arrête.
À Calhanel, Chez Théophile, la fraîcheur accueille les ouvriers de la carrière. Dernier bistrot du coin au bord d‘une route que l‘on prendra de moins en moins, dernier rempart contre le rouleau compresseur, chacun savoure ce moment suspendu.
L’odeur de la terre battue
L’odeur de la terre battue
À Gausson, dans la campagne, Auguste devise sur le monde d’avant. Le temps révolu se recrée sous nos yeux, dans sa maison-café déserte, par la seule grâce de ses mots, de sa voix émue. Comment se douter que l’endroit ait pu souder à ce point la population locale s’il n’avait pas ce don de conteur ?
Jour de marché à Callac, Marie-Claire, Paulo et Serge se relaient derrière le bar du café-quincaillerie, les femmes achètent un vase, les hommes prennent l’apéro. Un peu plus haut, deux sœurs essaient des blouses chez un marchand ambulant.
Là où la mémoire crève le plafond
Là où la mémoire crève le plafond
par Sophie Delacour
Une course de vélo passe, Célestine part à l’hôpital, une soupe dans la cheminée en plein été et aussi la tête de veau à Saint-Goéno, sans oublier les deux sœurs de Carnoët rencontrées par hasard au marché de Callac. Autant de situations volées à la vraie vie. Celle qui s’écrit au jour le jour dans les cafés bretons. Ils nous entraînent dans leur chaleur, leur silence, leur cuisine. Ils se suivent, s’appellent, se relancent. Nous vous proposons de faire le tour d’un département à la fin d’une époque, d’une activité, celle des petits cafés à l’ancienne, de côtoyer des personnages qui tournent la page ; nous vivons même en direct le dernier repas servi dans le café-boucherie-restaurant de Marie à Locarn. Il y fait bon s’asseoir au coin du feu, manger entre copains, jouer, boire un coup après le boulot, au calme. Et puis prendre le temps d’écouter Auguste mettre des mots sur nos impressions et les lieux où la mémoire crève le plafond. Ces cafés sentent la campagne, les bêtes et même encore la terre battue. La photo, prétexte initial aux rencontres, vient d’elle-même ponctuer le propos comme un témoignage de ce qui n’est plus et sacralise ces personnages-clés de nos archives de demain.
Sophie Delacour
Sophie Delacour
À la suite d'un master Information et Communication, à l’Institut français de presse, Sophie Delacour se lance dans le reportage écrit, radio et audiovisuel. Elle rencontre Sylvain Bouttet avec qui elle écrit et coréalise des documentaires pour France 3. Après 20 ans de journalisme, 20 ans sur le terrain culturel costarmoricain, elle est élue à la commune de Plouëc-du-Trieux. Elle réalise deux films : Le Jour du sénior et Gare à vous.
Sylvain Bouttet
Sylvain Bouttet
Originaire de Dinard, Sylvain Bouttet est d’abord photographe avant de se tourner vers la vidéo puis finalement le documentaire. Intéressé par l’humain et les problématiques sociales, il réalise une multitude de portraits documentaires intimistes et sensibles. Autodidacte, il réalise pour la télévision, France Télévisions (Thalassa) ou Arte, et compte aujourd’hui plus de 45 films à son actif. Multiprimé, Sylvain Bouttet est notamment lauréat du prix Olympus-Tamron et remporte le Prix spécial de Cinéma du réel en 2008 pour En permanence.
Les cafés du temps qui passe
Les cafés du temps qui passe
FRANCE 3 BRETAGNE >>> Paulo perpétue l'institution communale qu'est le café-quincaillerie graineterie de Carnac, anciennement tenu par sa mère. Un saut dans le temps quelques années après son apparition dans l’épisode 2 de Café bouillu.
FRANCE 3 BRETAGNE >>> Reportage dans un de ces désormais rares cafés-épiceries bretons, boutique tenue par Cécile à Quimperlé.
29 octobre 2024 23:01 - Boëdec.Monique
Merci pour ce reportage qui me fait découvrir cette vie que maman me racontait.. On découvre les gens les vrais simples et authentiques.. Et je me rends compte à quel point la Bretagne a changé.. Dans mes souvenirs d'enfant, elle était plus belle avant, qu'elle ne l'est maintenant. Un peu comme si le temps et surtout le progrès l'avait abîmé .
22 septembre 2024 18:30 - Le Borgne
On ne va pas peut être pas dire que c'était mieux avant, mais on le pense tellement, que ça s'entend de loin. En plus, elles étaient de sacrées commerçantes.
19 septembre 2024 08:45 - Evelyne
Merci pour ce reportage touchant, qui me raconte un monde perdu, avec des "vrais gens" qui se parlent, échangent, se rendent service, et fait remonter en moi plein de souvenirs, de Normandie ou d'Auvergne:les cafés épicerie, quincaillerie, où on servait aussi de l'essence, chez la Ninette ou chez Marie..