Suspendue

par Le Rhizome

Un temps suspendu pour explorer la pesanteur et les variations infinies de ce qu’on nomme, parfois trop rapidement, le vide.
On pourrait le dire comme ça : il y a ceux qui travaillent par accumulation et ceux qui travaillent par soustraction. Et puisque, sans conteste, Chloé Moglia fait partie de cette seconde catégorie, on pourrait se pencher et approfondir. Que reste-t-il quand on a tout enlevé ?
Pour une trapéziste, la réponse se formule ainsi : un agrès, un corps, l’air et la gravité… Cela semble peu mais c’est inépuisable : l’agrès devient un véhicule à conduire et à dompter, le corps se métamorphose et joue de son poids comme de sa légèreté, agile et puissant tout ensemble, alors que l’air se module sans cesse d’infinies variations au gré de l’agitation des particules.

Le producteur de France Culture Étienne Klein invite Chloé Moglia dans son émission La conversation scientifique. Une heure d'échanges passionnants entre deux complices, autour de la question du vide. Au fil de la conversation c'est aussi un portrait de l'artiste performeuse qui se dessine.

Qu’est-ce que le vide ? Un rapide coup d’œil dans un dictionnaire laisse perplexe. Il fait voir en effet qu’il y a toutes sortes de vides : le vide qu’on réalise grâce à une pompe à vide n’a guère à voir avec le néant hindouiste ou la vacuité bouddhiste, ni avec cette autre sorte de vide qu’on fait autour de soi en allumant un cigare, ni avec le vide que redoute l’acrophobe mais qui excite l’alpiniste… Le mot vide apparaît, ironiquement, victime d’un trop-plein de significations. Il faut donc préciser ce que l’on met derrière ce mot trop vague.

On dit fréquemment que le vide est ce qui reste dans un récipient après qu'on en a tout enlevé. Il serait en somme le lieu de la béance intégrale, de l’absolue vacuité. Soit, mais en le présentant ainsi, on tombe sur une difficulté logique : si le vide existe, c’est qu’il n’est pas rien, c’est qu’il est quelque chose de particulier ; mais, curieusement, ce quelque chose de particulier qu’il est ne doit pas être enlevé quand on fait le vide sous peine de faire du vide en question un pur néant qu’il ne peut pas être puisqu’on vient de dire qu’il était quelque chose…

En clair, pour faire le vide, il faut tout enlever, absolument tout, sauf le vide…

Née en 1978 à Perpignan, Chloé Moglia intègre à 17 ans l’École nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois. C’est au Centre national des arts du cirque qu’elle se spécialise dans les disciplines aériennes. Avec la trapéziste Mélissa Von Vépy elle crée la compagnie Moglice Von-Verx et toutes deux mettent en scène des spectacles : Un certain endroit du ventre, L’avion-décalage horaire, Temps troubles, I look up, I look down, En suspens.
En 2009, elle fonde Le Rhizome dont elle assure la direction artistique.

FRANCE CULTURE >>> Comment Chloé Moglia a fait du trapèze un art philosophique. Ce n’est pas de la poésie, du cirque, du sport, de la philosophie, de la rêverie mais tout ça à la fois. Artiste venue des arts du cirque, la trapéziste Chloé Moglia a créé une nouvelle discipline : la suspension.

TÉLÉRAMA >>> Bijou de virtuosité cinématographique à la hauteur de la prouesse physique, Horizon, le film réalisé par Sébastien Bergé, établit une rare proximité avec le corps et le souffle de l’artiste.
LIBÉRATION >>> Je suis quelqu'un qui préfère in-finir plutôt que définir. Mais s'il fallait s'en tenir à un mot, j'opterais pour suspensive. Car ma pratique englobe la pensée et la rêverie en portant une attention amoureuse au monde qui élève l'acuité, explique l'artiste.
FRANCE CULTURE >>> Chloé Moglia pour France Culture : J'ai rêvé sur ces questions d'espace. J'ai une sensation encore très claire, physique et émotive de ça… Je me souviens un moment m'être dit : Ose aller là ! je me suis doucement glissée comme sur un toboggan.