Les colporteurs
L’histoire de la commercialisation de l’oignon de Roscoff dans le sud de l’Angleterre, racontée par Marie Halopeau Le Corfec, permet de mieux saisir ce qu’était la société bretonne au 19e siècle, avec ses strates sociales et son articulation économique entre terre et mer. Roscoff se situe sur un territoire béni des dieux qui permet des productions agricoles précoces et abondantes, notamment de plantes maraichères rapportées de pays chauds par des marins explorateurs. Cette concordance est à l’origine du célèbre oignon cuivré. Ajoutez-y la disposition au labeur des Finistériens et voici qu’émerge une filière de colporteurs qui partent à l’assaut des côtes anglaises à pied et à vélo pour y vendre des tresses du précieux légume. Une activité qui s’est étendue sur des siècles pour s’éteindre avec le Brexit.
LES JOHNNIES DE ROSCOFF
LES JOHNNIES DE ROSCOFF
Depuis 1827, les Johnnies se rendent tous les ans en Grande-Bretagne afin de vendre les oignons de la région de Roscoff. En 1976, ils ne sont plus qu'une cinquantaine en activité. Les anciens témoignent de leur vie et de leur travail. Ce film est l'occasion de rappeler la tradition avec une certaine nostalgie. Il est aussi le témoignage de la Bretagne enclavée d'avant-guerre, qui pour faire vivre une population rurale nombreuse doit rechercher toutes les opportunités de commerce et accepter des conditions de vie bien difficiles.
Une filière trans-Manche
Une filière trans-Manche
L'exportation des oignons de Roscoff vers l'Angleterre remonte à loin puisque des historiens retrouvent mention de cet échange dès le 14e siècle. Mais l'aventure n'aurait vraiment pris tournure que dans la première moitié du 19e siècle : en 1850, 200 marchands d'oignons parcourent le sud de l'Angleterre. En 1900, ils sont plus de 1 000 et vendent 7 000 tonnes de produit - ce qui n'est pas si considérable puisque cela ne représente que 2% des importations d'oignons nécessaires aux Britanniques.
Les vendeurs se groupent en compagnies de 10 à 40 personnes commandées par un chef. Les premiers voyages se font sur des gabarres à voiles, puis à vapeur. Les Johnnies partent traditionnellement après le pardon de Sainte Barbe (juillet), une fois arrivés dans le sud de l'Angleterre, les vendeurs, parfois très jeunes, font du porte à porte, les lourds chapelets d'oignons portés sur un balancier à l'épaule. Dans les années 30, ils utiliseront la bicyclette puis des camions pour se déployer plus loin, vers le nord, la vente se pratiquant toujours en porte à porte. Les années 30 marquent l'apogée de ce commerce qui s'affaiblira inexorablement jusqu'aux années 80 (160 Johnnies en 1970). L’activité cessera définitivement avec le Brexit.
Onion Johnny à l’assaut de la Grande-île
Onion Johnny à l’assaut de la Grande-île
BÉCÉDIA >>> Quand les Johnnies sont mentionnés dans les sources anglaises, ils sont souvent représentés comme une figure typique, vêtue d’une blouse, d’un pantalon en velours, et portant des sabots.
LE MONDE >>> Longtemps, les jeunes hommes de cette commune du Finistère étaient envoyés de l’autre côté de la Manche pour vendre à vélo la production locale d’oignons rosés. Les complications administratives et douanières liées à la sortie du Royaume-Uni de l’UE ont donné le coup de grâce à cette profession.
LA RUCHE QUI DIT OUI >>> Les Johnnies étaient méprisés : à Roscoff parce que pauvrissimes pour la plupart ; en Grande-Bretagne parce que migrants. L’image valorisée, presque héroïque, du Johnny apparaît quand lui disparaît, dans les années 1970, par nostalgie.
OUEST-FRANCE >>> Pendant un siècle, les Johnnies ont sillonné les routes de Grande-Bretagne, trimballant leurs tresses d'oignons de Roscoff. Une épopée commerciale unique.
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