La nuit, les parents dorment.
Séra, veilleur de nuit, artiste hanté par le génocide cambodgien et la fuite vers la France, en 1975, la France qui n’autorisera pas son père à accompagner sa femme et ses enfants.
Séra veille, tant sur la nuit parisienne que sur l’enfer de Pol Pot. Pour exsuder l’angoisse, il dessine des corps, peint des abstractions tourmentées. La réalisatrice Céline Dréan se tient près de lui, à son écoute, saisissant l’émotion qui sourd de ce corps, impassible en apparence. Pas d’épanchement mais une progressive révélation de ce que ça a été, et de ce que c’est encore, de survivre après le chaos.
Aujourd’hui tout paraît normal à Phnom Penh. Les gens se frôlent dans des rues bondées, d’anciens tortionnaires croisant d’anciens suppliciés. Malgré cela, l’air semble à nouveau respirable et Séra comme ses concitoyens peuvent progressivement se soulager du cauchemar, en le racontant, en le dessinant.
Le veilleur est touchant et captivant, il est aussi une quête de la beauté comme consolation, une quête menée en complicité avec Guillaume Kozakiewiez à l'image.
Un film proposé dans le cadre du mois du doc.
LE VEILLEUR
LE VEILLEUR
de Céline Dréan (2010 - 50')
Dans un hôtel parisien, le veilleur de nuit dessine, insatiable. Depuis plus de 20 ans, Séra, artiste franco-cambodgien, encre les planches de ses bandes dessinées dans le silence de la nuit. Exilé en France avec une partie de sa famille depuis la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges en 1975, c'est à la force du pinceau qu'il retrace son histoire. Ici le dessin, l'atelier, le refuge de l'hôtel. Là-bas le soleil, les souvenirs, les questions. Alors que les mots affleurent et que la mémoire prend forme, il lui reste encore, comme à tout le peuple cambodgien, à chasser les fantômes.
>>> un film coproduit par Vivement Lundi ! et Groupe Galactica
Récompenses : Étoile de la SCAM en 2011
Sauvé par son art
Sauvé par son art
par Céline Dréan
Je suis née en 1975, l'année même où Séra, encore adolescent, fuyait le Cambodge alors les Khmers rouges prenaient Phnom Pehn. J'avais jusqu'alors une connaissance parcellaire de cette période de l'histoire contemporaine et lorsque j'ai lu la trilogie en bande dessinée de Séra sur le sujet, j'ai eu le sentiment qu'elle m'invitait à sombrer. Elle raconte l'enfer, sans le moindre manichéisme. Le récit parfois complexe ne permet pas toujours de distinguer les bons des mauvais ; les mots y semblent parfois sans corps, le lecteur ne sait plus qui parle. Il ne s'agit pas pour Séra de faire œuvre de pédagogie, ce qu'il propose est une vision, une œuvre dans laquelle je me suis plongée comme dans un tableau saisissant, avec le sentiment que je pourrais être happée par l'obscurité et la violence de ses dessins et m'y perdre. Mon envie de réaliser un film vient de ce choc.
Dessinateur, peintre et sculpteur, Séra est aussi veilleur de nuit dans un hôtel parisien. Il a toujours été un travailleur nocturne depuis l'exil de 1975. Derrière cette silhouette très posée, cette élégance, cette voix basse et mesurée, l'histoire du Cambodge a laissé de lourdes traces et le combat fait rage. S'il vit en France depuis 35 ans, tout le ramène en permanence là-bas. C'est sans doute ce qui explique la puissance de son œuvre. Dans son costume noir d'employé d'hôtel, après avoir accueilli les derniers clients dans ce lieu de passage, il se retire du monde, c'est son deuxième refuge, lieu de lecture et de silence. S'il a quitté le pays avant que la barbarie ne s'y installe, il a reçu le drame khmer en héritage. Cette histoire l'a modelé, habité et il se bat, encore aujourd'hui, pour trouver tous les contours d'une identité malmenée. La violence de ses bandes dessinées témoigne d'une véritable bataille intérieure. Aujourd'hui, l'incendie est maîtrisé, mais il couve encore. J'ai voulu refaire avec Séra le parcours effectué depuis ce triste jour de mai 1975 jusqu'à l'homme qu'il est aujourd'hui, sauvé par son art, mais cherchant toujours des clés de son histoire. À Paris d'abord, puis au fil des allers-retours avec Phnom Pehn, les silences de Séra racontent l'exil et le poids de la mémoire d'un peuple.
Séra
Séra
Séra est un auteur de BD, illustrateur, sculpteur et peintre qui n’a jamais choisi entre ses deux nationalités : Français et Cambodgien. Forcé de fuir le Cambodge à 14 ans sous la menace des Khmers rouges, le jeune Séra arrive en France avec une partie de sa famille en 1975. Il fait ses études à Paris obtient un doctorat en arts plastiques et sciences des arts à l’École des arts de la Sorbonne. Par la suite, une grande partie de ses productions sont consacrées au Cambodge. Avec des bandes dessinées comme Impasse et rouge (1995), L’eau et la terre (2005) et Lendemains de cendre (2007) il perpétue une forme de devoir de mémoire.
Plus tard dans sa carrière, il se prête à l’exercice des biographies et engendre également un travail sur le thème de la vie en cité. Séra est en quelque sorte un témoin du monde contemporain dont il fait l’expérience directe, aussi bien en France qu’au Cambodge. Son album Concombres amers paru en 2018 est la consécration d’années de travail sur la tragédie cambodgienne qu’il a personnellement vécu. L’art lui permet de relater les évènements traumatiques de son enfance et de s’en libérer.
Céline Dréan
Céline Dréan
Installée à Rennes pour ses études, Céline Dréan y obtient une maîtrise de cinéma. Elle entame son parcours professionnel à la fin des années 90 en assurant la direction de production de films d’animation et de documentaires pour Vivement Lundi !. Travailler aux côtés des auteurs éveille chez elle un désir de film qui s’affine peu à peu. Elle réalise en 2004 son premier documentaire et décroche en 2011 une Étoile de la SCAM pour son film Le veilleur. De son parcours de production, elle garde le goût de l’éclectisme et ne s’interdit aucune passerelle entre les genres.
En 2012, elle s’essaie naturellement aux nouvelles écritures en réalisant le webdocumentaire Dans les murs de la casbah. Puis elle aborde d’autres écritures hybrides mêlant animation et documentaire, à destination du jeune public. Elle écrit et réalise ainsi la web-série ludo-éducative Dis-moi Dimitri et développe Oh la vache (10 x 3’) également destiné aux tous petits, en français et en breton. En parallèle de ces œuvres pour le web, filmer le réel reste au cœur de son travail, dans ses projets mais aussi dans l’accompagnement d’autres auteurs en écriture. En 2016 et 2017, elle réalise la web-série Brest 1937 et termine L'hippodrome, un film documentaire grand format en immersion dans le temple du trot à Vincennes.
En 2019, elle sort Tous nos vœux de bonheur un film documentaire sur son histoire familiale liée à l’Église catholique dans les années 60/70. Mes parents se sont mariés dans une chapelle, au petit matin, sans témoins. Dans l’album photo, des images grises, sans robe de mariée ni le traditionnel baiser. À contre-courant de la société d’après Mai 68, ce mariage était pourtant leur révolution. 50 ans plus tard, en retraçant cette histoire jusqu’ici silencieuse, ils me racontent leur amour interdit…
Devoir de mémoire
Devoir de mémoire
TV5 MONDE >>> 40 ans après la fin des Khmers rouges, Séra explore les racines d’une tragédie. Retour sur l’impressionnant travail de mémoire de l’artiste cambodgien.
LIBÉRATION >>> Avec une nouvelle série de planches, Séra raconte un peu plus, l’année zéro du Cambodge et s’interroge : À partir de quand avons-nous eu conscience que les lendemains à venir allaient être sans espoir ?
TÉLÉRAMA >>> Céline Dréan manifeste une nouvelle fois son goût pour les témoignages historiques. C’est avec une certaine aisance décomplexée que la réalisatrice traite une nouvelle fois les histoires fortes et singulières d’autres.
20 septembre 2022 20:29 - catherine Veillon-Guilloux
remerciements à Céline Dréan
20 septembre 2022 20:28 - catherine Veillon-Guilloux
comme toujours, un artiste donne à comprendre le monde et je souhaite à Sera de continuer à s'élever
25 mai 2022 22:41 - Anne Boissel
Mémoire du passé , présente .
Le présent deviendra t il la mémoire , sans réagir ?
Terriblement beau