Résistance
Lettres rebelles est un film sur le sentiment de révolte et d’impuissance face à l’injustice des hommes, leur brutalité, ou leur coupable indifférence. La réalisatrice Sonia Larue utilise tous les genres cinématographiques pour exprimer ce sentiment : fiction (en costume), documentaire, dessin animé… avec le fil tendu de ces mots qui tentent de remettre de l’ordre et de la morale dans la jungle humaine.
D’une exécution sommaire aux corps sans vie de migrants échoués sur nos plages, elle évoque les droits et devoirs sans cesse bafoués. Mais au lieu d’illustrer son propos, elle le met en tension avec des représentations du monde – les rapports de classe, la soumission à la technique – du réel théâtralisé, redessiné, chorégraphié, cinématographié.
À l’arrivée, Lettres rebelles est un collage dont il n’est pas forcément simple de suivre le fil mais qui recèle des moments de grâce et de drôlerie.
LETTRES REBELLES
LETTRES REBELLES
de Sonia Larue (2017 - 13')
Dans une forêt, une jeune fille, une lettre à la main, s’arrête à la lisière d’une clairière : elle est tout près de ce(ux) qu’elle cherche. Mais elle ne peut s’y engager de suite. Elle doit d’abord se confronter aux luttes qu’elle est venue réveiller.
>>> un film produit par Paris-Brest production
SÉLECTIONS
- Festival Travelling - Courts à l'ouest - Rennes 2018
- Festival Ciné-poème de Bezons 2018
- Festival du Film de Fontenay-Le-Comte 2018 Grand prix du jury
- Festival européen du film court de Brest 2018
- Festival Des courts en hiver de Porto-Vecchio 2019
Intime et politique
Intime et politique
par Sonia Larue
Quand René Vautier a passé l'arme à gauche, son cinéma résonnait comme le synonyme d'une lutte sociale et humaniste. Dans un monde en plein bouleversement, interroger le combat s'est imposé à moi.
Le hasard d'une lecture me met alors entre les mains des lettres rebelles de toutes les époques, des lettres conçues pour protester, désobéir, s'organiser. De Flaubert à Martin Luther King, en passant par l’archevêque de Toulouse à Eugène Cas, résistant communiste, ces discours, poèmes, lettres m'amènent à m'interroger sur l'expression de cet esprit de résistance et de désobéissance.
Je venais aussi de découvrir le film Eau argentée, de Oussania Mohanunad et Wiam Simav Bedirxan, récit dramatique des premières années de guerre civile en Syrie à travers des images-témoin issues de YouTube et de téléphones mobiles. Elles m'ont fortement impressionnée, comme on le dirait d'une pellicule. Elles ont fait ressurgir le souvenir d'une lettre : celle de mon grand-père Eugène, jeune résistant fusillé pendant la guerre, s'adressant à sa femme et son bébé, ma mère, le matin de son exécution. Je connaissais cette lettre depuis toujours, mais elle dormait quelque part dans ma mémoire. Une lettre rebelle, une lettre de combat : des mots d'espoir projetés avec confiance vers un futur forcément meilleur pour l'humanité.
L'intime et le politique se mêlent ; je rejoins mon histoire. J’ai imaginé mon film comme un collage, un jeu d'échos où se juxtaposent et se répondent à travers le texte des combats d'hier et d'aujourd'hui. Cette proposition est donc d'abord la recherche d'une forme singulière mais sensible, un essai filmique qui transcende le mot, la lettre. Un poème brutal et sensoriel, sans mièvrerie, loin de toute imagerie publicitaire. C’est en quelque sorte, ma lettre rebelle à moi.
Mais je voulais aussi donner du corps à ces lettres. Et qui d'autre que la jeunesse pour incarner l'être rebelle en chacun de nous ? J'ai donc choisi une adolescente, une lycéenne, pour nous mener à travers la forêt de la mémoire, cette forêt qui contient en son sein la clairière des fusillés.
Une lettre, c'est une transmission. Elle est adressée. L'adolescente apprend ainsi que le monde a une histoire et qu'elle a un rôle à y jouer. C’est elle, cette nouvelle génération, qui incarne les luttes à venir. Et qui trouve, à son tour, son geste de rupture, sa rébellion.
Le dessin, le graff
Le dessin, le graff
La forme raconte autant que le verbe.
Parmi toutes les images - photographiques, numériques, incrustées, projetées en vidéo, images d'archives, d'actualité ou de pure fiction pour la plupart - qui traversent et nourrissent le film, j'ai pensé qu'il pourrait y avoir du dessin. Un trait modeste pour les fusillés de la clairière, qui puisse dans un même élan nous projeter dans le passé et nous ramener dans le présent avec de nouveaux combattants.
J'ai donc demandé à Jean-Claude Rozec, dont j'avais tant aimé le Cul de bouteille, s'il voulait bien m'accompagner dans cette clairière et il m'a fait l'honneur d'accepter. Nous avons cherché ensemble une forme animée pour cette séquence des fusillés et de leur résurrection en de nouveaux combattants. Ainsi c'est le dessin qui fait le lien avec cette nouvelle génération, qu'il irrigue de sa force vitale.
Poésie, danse, musique
Poésie, danse, musique
J'ai découvert les premiers poèmes d'Omar Youssef Souleimane, réfugié en France depuis 2012. Il avait 25 ans lorsqu'il a dû quitter la Syrie. C'est à lui, à la danse, à la musique que j'ai voulu laisser le dernier mot. Pour la danse des lycéens, j'ai choisi des mouvements simples, à portée de tous. Ce qui m'intéressait avant tout, c’est leur énergie. Une danse chorégraphiée pour éprouver le combat, avant tout un mouvement des corps dans l’énergie du groupe.
Quant à la bande son, elle infuse l'inconscient collectif, nos souvenir communs ramassés. J’ai souhaité que ces traces sonores fassent impression, que le son donne à ressentir. Les voix de ceux qui ont écrit les lettres ont occupé un espace sonore de premier plan. L'humanité du film tient à la texture de leur voix. Est-ce que l'on entend bien ici qu'un homme a pris sa plume, son stylo, son ordinateur, pour s'indigner, se révolter, résister ?
Sonia Larue
Sonia Larue
Sonia Larue est née et a grandi à Saint-Denis. Elle quitte Paris pour la Bretagne en 2004 après avoir passé plusieurs années à assister des réalisateurs tels que Tony Gatlif, Pierre Jolivet ou Diane Bertrand. Elle commence à écrire ses propres films, ancrés dans ce nouvel environnement. Ainsi sont nées plusieurs fictions (Rosalie s’en va, 2007 ; L’enfant Do, 2010 ; Du grain à moudre, 2014), Lettres rebelles, un film expérimental, et un documentaire (Travailleuses, travailleuses ! - 2018). Elle a également travaillé aux castings de longs métrages tournés en Bretagne et à de multiples collaborations dans l’écriture de scénarios, la photographie et le théâtre.
Courriers
Courriers
SLATE >>> Je meurs la tête droite et avec le sourire : ce qu'écrivaient les fusillés de la Seconde Guerre mondiale avant leur exécution. Un monumental ouvrage regroupant les biographies de 4 425 condamnés à mort exécutés sous l'Occupation permet de lire les derniers mots des martyrs de la Résistance.
FRANCE CULTURE >>> Que peuvent les voix des poètes syriens aujourd'hui ? Pour y répondre, deux poètes, deux histoires syriennes. Celle que Saleh Diab ranime le temps d'une anthologie poétique. Celle d'Omar Youssef Souleimane qui signe un premier récit en français, traversé de poèmes en langue arabe.
INTERNACTU >>> Jourdon Anderson et sa famille échappent à une vie d'esclavage lorsque les soldats de l'armée de l'Union les libèrent. Jourdon trouve ensuite un travail rémunéré en Ohio et peut mettre ses enfants à l'école. Un an plus tard, peu après la fin de la guerre civile, Jourdon reçoit une lettre désespérée de Patrick Henry Anderson, l'homme qui était son propriétaire, dans laquelle il lui est demandé de retourner travailler sur la plantation et de sauver son entreprise en difficulté.
COMMENTAIRES