Le bon vieux temps

En bicyclettes jeunes campagne

C'est dans les années 70 que s’opère la bascule vers l’hyperconsommation, celle qui nous conduit 50 ans plus tard là où l'on sait.

Le jouir sans entraves de mai 68 s'est matérialisé par le développement des grandes surfaces et leurs caddies qui transforment les emplettes en razzia. La démocratisation de la bagnole et de la télévision feront le reste. La publicité remplace la réclame, la machine à désirs toujours renouvelés accentue son emprise sur les imaginaires. Il ne faudra désormais plus rien se refuser, parce qu'on le vaut bien, quitte à s’endetter ad vitam et à préempter tout ce qui peut l’être.

Pendant ce temps-là, les lambeaux du passé subsistent. Des paysans vivent encore dans de petites fermes en polyculture, des gamins jouent dans les rues, à l’automne, la famille est réquisitionnée pour les cueillettes… Une époque passionnante donc, un passé tout proche et si lointain déjà, intelligemment représenté dans l’expo et le bouquin de Michaël Liborio, Yvon Le Caro et Nathalie Boulouch.

LIVRE

MES ANNÉES 70

Couverture livre Mes années 70

Revoir en images les mutations des milieux ruraux des années 1970 : voilà l’objet de cet ouvrage, illustré de clichés tirés d’albums de famille, ils nous plongent dans cette époque, faisant naître, selon l’âge du lecteur, nostalgie ou curiosité. Une époque oscillant entre pratiques ancestrales, traditionnelles, proches de la terre et de nouveaux modes de vie : vêtements, divertissements, autonomie, révolution des mentalités… Aucun secteur n'est épargné : agriculture, artisanat, commerce, mais aussi industrie, avec des villes qui étendent toujours plus leurs tentacules.

Commentées par des spécialistes, ces images-témoignages sont accompagnées de commentaires qui expliquent les raisons de ces évolutions économiques et sociologiques. Face à ce progrès à tout prix, porté par la technique et la consommation, des doutes s’élèvent déjà, annonçant des voies alternatives qui font aujourd’hui encore référence.

>>> édité par Locus Solus

EXPOSITION

CLICHÉS DE CAMPAGNE

De 1968 au début des années 1980, la campagne fait le grand écart alors que la crise économique d’après 1973 met fin aux Trente Glorieuses. La métamorphose sociale et culturelle des années 70 en France prend pour références la Renault 5, Charlie Hebdo, Goldorak, la casserole fleurie en émail, le Polaroïd, Mike Brant, La petite maison dans la prairie... Partout en Bretagne, la société rurale traditionnelle se transforme en profondeur. Le monde agricole se modernise, la ville gagne du terrain. La jeune génération ne rêve plus de reprendre la ferme familiale. Mais l’envie de liberté n’éteint pas les aspirations identitaires.


À quoi ressemblait la vie des jeunes dans ces années de transition et de rupture ? Était-ce vraiment aussi idéal que dans l’imaginaire d’un bon nombre de gens ? En 2011, l’Écomusée de la Bintinais consacrait une exposition à la révolution agricole des campagnes bretonnes dans les années 1960. En 2020, Mes années 70 prolonge l’exploration ethnographique de proximité, en immersion dans un passé pas si lointain. Sans mélancolie ni nostalgie. Sans autre ambition que de montrer, de rendre sensible les transformations d’une société rurale et déjà en partie périurbaine. En six îlots thématiques, Mes années 70 croise des récits personnels et des aventures collectives. Un patchwork impressionniste de faits, d’anecdotes et de souvenirs familiaux qui font revivre les virées en Motobécane, la cuisine en formica et la salle de traite mécanisée. L’exposition fait la part belle aux témoignages et aux objets du quotidien. Elle donne aussi à voir un large éventail de clichés collectés auprès de particuliers ou tirés des fonds iconographiques des collections du Musée de Bretagne et de l’écomusée. Mes années 70 valorise la photographie vernaculaire qui met à l’honneur la vie de tous les jours, domestique et sans vocation artistique.

L’exposition est à voir à L’Écomusée de la Bintinais jusqu'au 29 août 2021.

BIOGRAPHIE

Les auteurs

Michaël Liborio, muséographe et coordinateur de projets culturels. Il est ici commissaire de l’exposition de l’Écomusée de la Bintinais, que dirige Jean-Luc Maillard.

Yvon Le Caro est enseignant-chercheur en géographie et aménagement des espaces ruraux à l’Université Rennes 2.

Nathalie Boulouch est enseignante-chercheuse en histoire de l’art contemporain et histoire de la photographie à l’Université de Rennes 2.

REVUE DU WEB

Le fantasme des années 70

FRANCE 3 >>> Michel Liborio définit l’exposition comme un objet unique et complexe. Clichés de campagne donne à voir une jeunesse rurale, péri-urbaine à l’apogée des Trente Glorieuses dans le pays de Rennes.
L’EXPRESS >>> Selon un sondage réalisé par l’institut CSA pour L’Expansion presque 70% des français estiment que l’on vivait mieux dans les années 70. Sachant que la richesse par habitant a plus que doublé depuis 1973, que l’espérance de vie a gagné plus de six ans, que le patrimoine moyen a triplé, comment expliquer la mélancolie des français ?
INA >>> Dans les années 1970, une vague de citadins a cherché à poursuivre l’idéal de mai 68 en s’établissant à la campagne pour devenir paysans. Leur rêve de retour à la terre s’est accompli dans des conditions souvent difficiles, résultat d’une cohabitation houleuse avec les paysans locaux.
MEN’S UP >>> Dans son film Après mai, Olivier Assayas s’intéresse à la jeunesse des années 70. Loin de la représentation idéale de cette période, il montre une révolte qui s’essouffle et des jeunes gens qui se cherchent et se construisent dans une époque tumultueuse.

COMMENTAIRES

  • 25 novembre 2021 17:30 - LiboMica

    Merci Serge Steyer pour cet article engageant et ce retour d'expo. Cela donne presque envie de la revoir. Cdlt, ML

CRÉDITS

auteurs Michaël Liborio, Yvon le caro, Nathalie Boulouch

commissaire d’exposition Michäel Liborio

éditeur Locus Solus

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