Tempête

homme avec un beret Patrick Prado Tempête

Octobre 1987, la Bretagne est traversée en pleine nuit par un ouragan. Les bourrasques ne secouent pas que les arbres… Entrons dans la tourmente.
Comme le disait l’historien Georges Duby : la catastrophe fait émerger, dans le flot de paroles qu’elle libère, des traces qui seraient demeurées dans les ténèbres, de ce dont on parle rarement dans le quotidien de la vie et dont on n’écrit jamais. Du pain béni pour Patrick Prado qui se dépêche sur place en 87 donc. Il en résultera un film et un article (Paysage après la tempête) que vous retrouvez ici, remis en forme pour KuB.

FILM

TEMPÊTE

de Patrick Prado (1988 - 24')

La tempête de 87 est l’occasion pour Patrick Prado de réaliser un documentaire sur le vif, puis d’écrire un article de sciences sociales : Paysage après la tempête, les retombées d’une catastrophe naturelle, disponible sur Persée. Les témoignages s’ouvrent vers l’imaginaire et le légendaire. Ils tentent d’expliquer sa violence très contemporaine, peut-être due aux dérèglements de la nature.

INTENTION

Des rafales singlantes

soir de tempête Patrick Prado

Par Patrick Prado

16 octobre 1987 : à Paris le vent souffle aussi, quelques cheminées tombent, je me demande quelle violence peut atteindre le vent 500 km plus à l’ouest. Je téléphone dans le Morbihan à mes voisins, agriculteurs à la retraite, qui gardent un œil sur la vieille ferme qu’en moderne citadin j’ai retapée à la mode ancienne, quand de leur côté ils se sont fait construire un pavillon de type banlieue sous fibrociment. Sans m’étonner que le téléphone fonctionne et n’osant paraître trop alarmé, je demande civilement des nouvelles de la santé de mon interlocutrice : Tu ne sais pas, me répond-elle, il faut que vous veniez. Elle décrit ainsi les dégâts du hameau…On ne sait pas ce qui s’est passé, tout est devenu noir, l’herbe aussi, tout est noir du côté où le vent a tapé, tout est grillé.


C’est alors que je décide de rassembler une petite équipe pour le tournage d’un film. Quatre jours plus tard nous étions sur place, assez surpris par le spectacle, qui provoqua en nous une émotion étrange comparable à celle que j’avais ressentie après le tremblement de terre de Mexico. Un horticulteur dira de la tempête : Je l’ai entendue, je ne l’ai pas vue. Un peu, justement, comme s’il s’était agi d’un film qui aurait séparé la bande image de la bande son, le son la nuit, les images le jour. Les éléments nocturnes sont le bruit, le mouvement, la chaleur, la pression, l’odeur, et le sommeil. En forêt de Camors, le bruit est tel qu’un agriculteur qui y demeure n’entend pas les arbres tomber ; cependant le lendemain, au bout du jardin, la forêt a quasiment disparu. Le vent, d’abord, ne surprend personne : En automne on est habitué aux tempêtes. La télévision s’éteint, on va se coucher, le sommeil est profond. On est réveillé une ou deux heures plus tard par la chaleur et par les mouvements des cloisons ou du lit. Certains croient à un tremblement de terre. Le bétail meugle, les chiens hurlent, et les dards (les éclairs) se succèdent sans bruit, sans pluie. Ceux qui essaient alors de sortir pour arrimer une porte ou une bâche doivent rentrer sous les rafales cinglantes chargées de sel ou de sable et les tôles qui volent, rendant toute sortie dangereuse et inutile. De plus, l’air porte une odeur inhabituelle, de soufre ou de brûlé, cela dépend des témoignages. Enfin la pression atmosphérique très basse rend la respiration difficile. On rentre, on se rendort parfois, certains font des rêves prémonitoires…

BIOGRAPHIE

Patrick Prado

Patrick Prado

Patrick Prado est chercheur sur l’anthropologie des idées, en retraite du CNRS. Il réalise ses premières vidéos dans les années 70, muni d’une caméra offerte par Simone Signoret et Yves Montand. Il accompagne les luttes paysannes et ouvrières en Bretagne comme la guerre du lait. Avec d’autres militants tels que Geneviève Delbos et Jean-Louis le Tacon, il fonde un groupe : Torr e Benn (Casse-leur la tête : devise des paysans bretons les Bonnets rouges). En 1983, ce collectif donne naissance à l’Association Populaire d’Images Cinéma (APIC), dans laquelle Patrick Prado pratique la contre-information, l’enquête sociale et l’art vidéo. Il pose un regard curieux sur les aspects du réel (mécanismes et métamorphoses) et retranscrit ses explorations et ses passions.

REVUE DU WEB

La force du vent

PERSÉE >>> Les rafales vrillent les arbres, ouvrant des saignées de plusieurs centaines de mètres de profondeur sur des dizaines de mètres de large. Des forêts entières disparaissent, comme la forêt de Camors, dans le Morbihan, sur les hauteurs hercyniennes des Landes de Lanvaux. Dans la revue Études rurales Patrick Prado revient sur la tempête de 1987.

FRANCE 3 >>> Retour sur les premières images de la catastrophe de 1987.

INA >>> Les dégâts sont très nombreux après les tempêtes qui ont sévi à Melgven et à Kernevel, et un mort est à déplorer. Il va falloir beaucoup de temps et d'argent pour réparer tous les dégâts.

YOUTUBE >>> Extrait du documentaire Human, de Yann-Arthus Bertrand tourné à Saint-Guénolé.

COMMENTAIRES

  • 10 juillet 2023 19:53 - Veillon Guilloux Catherine

    Magnifique film si puissant merci !

CRÉDITS

réalisation Patrick Prado
image film Jason Arvanitis
image vidéo Victor Simal
assistant de réalisation François Basset
musique Jean Schwarz

traduction du Breton Ronan Tremel et Jean-Pierre Le Dantec
maquette Grand Canal
post-production Polygone, Bruxelles
production exécutive
Mirage illimité - Conte et raconte

production Mission du patrimoine ethnologique (Ministère de la culture), Centre d’ethnologie française (CNRS)
aide à la production Conseil général des Côtes du Nord, Intermédia, Municipalité de Saint-Brieuc

Artistes cités sur cette page

Patrick Prado

Patrick Prado

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