Deux mères, un enfant

portraits femmes les carpes

C’est une histoire d’amour, avec de la tendresse et des questions comme toujours, avec à la fin un accouchement comme souvent. Sauf qu’entre Florence et Sandrine se pose le problème de la procréation. La nature seule, ne fera pas l’ouvrage attendu. Il leur faut donc remonter le fleuve du conformisme social pour assouvir leur désir d’enfant, à l’étranger.

Le titre de ce journal intime, Les carpes remontent le fleuve avec courage et persévérance, fait référence à une légende chinoise qui raconte comment les carpes affrontent les eaux tumultueuses du Fleuve jaune pour tenter d’atteindre la Porte du Dragon. Les carpes incarnent l’obstination et la possibilité de gravir les échelons pour atteindre son but, malgré les obstacles. Le film raconte comment Florence et Sandrine y parviendront.

Le film de Florence Mary tombe à pic, au moment où la PMA - procréation médicalement assistée - est revendiquée par la communauté LGBT et s’inscrit dans le projet de loi de bioéthique.

BANDE ANNONCE

LES CARPES REMONTENT LE FLEUVE AVEC COURAGE ET PERSÉVÉRANCE

de Florence Mary (2011)

Retrouvez ici la bande annonce de cette oeuvre (les droits de diffusion sur KuB sont arrivés à échéance).

Sandrine, ma compagne, a 34 ans et elle ne veut plus attendre pour avoir un enfant. Moi, je n'envisageais pas vraiment d'être mère. J'ai décidé de prendre ma caméra pour suivre notre cheminement vers cet enfant, et pour moi, un parcours vers une maternité qui ne m’ a jamais semblé naturelle. Comment allons-nous faire ?
Nos proches s’interrogent et nous aussi. Nous avons choisi l’insémination artificielle à l'étranger. Enfin, nous ne l'avons pas choisi puisque cela reste interdit en France. Nous avons donc voyagé, espéré et j'ai profité de ce temps pour trouver ma place de mère. Devenir mère sans porter notre enfant.

>>> un film produit par Frédéric Joyeux, L’atelier des images

INTENTION

Entre légèreté et gravité

par Florence Mary

Les carpes remontent le fleuves illustration ventre enceinte

Il s'agit autant de parler de la place de cet enfant dans la société française, que de ma place, en tant que co-mère, adulte homosexuelle, ma place en tant qu'enfant non désiré dans une famille de cinq, et ma place dans ce film aussi, en tant que réalisatrice et sujet.
Sandrine et moi ne nous définissons pas comme lesbiennes, ni homosexuelles. J’aime une femme, je vis avec une femme, mais ce n’est pas cela qui me définit comme être humain. Dans notre vie quotidienne, nous ne sommes pas démonstratives ou revendicatrices, mais nous ne nous cachons pas non plus.
Filmer cette aventure va dans le même sens : il ne s’agit que de vie quotidienne, d’un couple au 21e siècle qui a envie de fonder une famille, a envie de partager ces moments avec ses proches et doit faire avec ce que permet la société française. Montrer notre vie normale c’est une manière de revendiquer. Le film se déroule autour de deux quêtes entremêlées : nos démarches administratives, les voyages express vers l’insémination, puis la grossesse et la naissance, et en parallèle ma quête vers une maternité un peu spéciale, puisque je ne porte pas cet enfant.


J'ai besoin de chercher d’où cela me vient. J'ai toujours connu ma mère plus ou moins déprimée, elle qui a fait une dépression quand elle m’attendait. Je me demande à quel point cette grossesse dépressive, puis plus tard d'autres dépressions, ont déteint sur moi. Est-ce cela qui m'a amenée à une adolescence solitaire, à mon homosexualité ? Je n'aurai pas de réponse claire, mais ce sont des éléments qui me constituent aujourd'hui. À 32 ans, je suis sortie de ces tourments, mais cela reste des souvenirs douloureux qui résonnent forcément à l'heure où je vais être mère.
Je pense que les personnes qui nous découvriront dans ce film vont nous trouver épanouies et sympas... Sauf que voilà, j’aurais pu très bien ne pas être là aujourd’hui parce que se découvrir homo à quinze ans en France, ce n’est pas évident à accepter, encore moins d’en parler, et encore moins de le vivre. J'ai fugué, j'ai fait une tentative de suicide tant mon mal-être était fort.
Ma famille n'était pas encore au courant de ma sexualité, car moi-même je ne le savais pas vraiment, ne l'ayant pas vécue, mais l'impossibilité d'en parler à quelqu'un, voir que j’étais différente de mes frères et sœurs amplifiait mon mal-être. Mes parents, d'origines modeste et paysanne, sont des personnes plutôt ouvertes, et je ne peux pas m'empêcher de penser à ceux qui ont des familles plus rigides que la mienne. Dans les faits, les jeunes homosexuels se suicident plus que les autres.
Ma seconde quête c’est celle de mon statut de co-mère. Je ne voulais pas faire un reportage instructif sur l'homoparentalité, mais d'aller chercher ce que moi j'avais besoin de savoir pour notre future vie de famille. Comme on m'a toujours appris à lutter contre les injustices, j'ai voulu rencontrer des politiques qui m'expliquent pourquoi je n'aurai pas de droits complets sur mon enfant.
En 2009, sur l'homoparentalité, la France ne prend que des décisions déguisées et hypocrites (accepter parfois l'agrément d'adoption pour des couples homos mais ne pas leur donner d'enfant ; parler du statut de beau-parent qui pourrait nous servir ; donner des adoptions simples et non-plénières au co-parent...). Bref, en France, on ne dit pas : Un couple homo peut avoir des enfants et ses deux parents ont les mêmes droits que n'importe quel parent. En Belgique, en Hollande, en Espagne, en Norvège, cela existe. Et en dehors des enfants, n'oublions pas qu'il nous manque d'autres droits comme par exemple, et beaucoup plus anecdotique, la pension de réversion en cas de décès d'un conjoint, mais ça, ça ne m'intéresse pas !

Ce film est un exorcisme intime. Je ne veux pas que cet enfant n'entende que mes hésitations, mes questionnements. Je veux qu'il voit que je suis prête à l'accueillir et que nous allons trouver notre place ensemble, en France. C’est une naissance à plusieurs titres : celle de notre enfant bien sûr, celle d’une vie de famille et d’une maternité pas évidente pour moi, et celle d’un film réellement personnel.

BIOGRAPHIE

Florence Mary

Florence Mary

Née à Nantes en 1976, c'est dans cette ville qu'elle étudie l'Histoire contemporaine et l'Information-Communication. Elle développe à la même période la pratique de la photographie. Son cursus l'amène jusqu'aux portes de l'école de journalisme de Strasbourg, qu'elle n'ouvrira finalement pas, préférant s'orienter vers le cinéma documentaire et le récit du réel.
Elle travaille au sortir de ses études comme journaliste reporter d'images pour des boîtes de production et chaînes de télévision.
En revenant à Nantes en 2009, elle réalise son premier documentaire Passée la peine, sur la réinsertion de détenus, par le biais de familles d’accueil qui ouvrent leurs portes à ces personnes qu’ils ne connaissent pas, sans poser de jugement sur eux.
Citoyenne et réalisatrice engagée, elle initie ou collabore à des projets associatifs où l’image, l’esthétique, n’est jamais gratuite. (Un p'tit vélo dans ma tête, 2015).


Au sein de l’association L’image a un sens, elle participe à la création de films en stop-motion ou de documentaires au sein d’établissements scolaires. Elle participe aux correspondances Hors-Format de Comptoir du doc à Rennes et Les Ateliers du doc à Nantes, association dont elle fait partie et qui promeut le documentaire de création.
En parallèle, elle travaille en tant que chef opératrice ou monteuse sur d’autres projets que les siens.

REVUE DU WEB

PMA à toutes les femmes

FRANCE 24 >>> Au terme d'une longue gestation, l'accouchement débute mercredi avant le faire-part de naissance dans quelques mois : la première grande réforme sociétale du quinquennat Macron, l'extension de la PMA à toutes les femmes, est présentée en Conseil des ministres avant son examen à l'Assemblée à la rentrée.

LE MONDE >>> Élargissement de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, nouveau mode de filiation et accès aux origines : le gouvernement s’est efforcé d’accompagner l’évolution des mentalités, sans pour autant l’accélérer.

FRANCE CULTURE >>> Après deux décennies de revendications LGBT, les femmes célibataires revendiquent aujourd'hui de faire un enfant reconnu par la loi.

LIBÉRATION >>> Le projet de loi bioéthique impose aux couples de lesbiennes de procéder à une reconnaissance anticipée de leur enfant, contrairement aux couples hétérosexuels. Cette mesure inégalitaire consacre la figure symbolique de la famille hétérosexuelle reproductrice.

FRANCE CULTURE >>> Retour sur le rapport fondateur d'Irène Théry Couple, filiation et parenté aujourd’hui et sur celui commandé en 2013 Filiation, origines et parentalité , en privilégiant le thème de la filiation dans ce dernier volet de Nos histoires de famille.

COMMENTAIRES

  • 24 janvier 2021 10:52 - Vidor

    Je visualise le film lundi soir.
    Merci à paul et à ces compères..
    D avance. Quelle affaire cette vie. De demain d ecran... Valerie vidor mk d origine.

CRÉDITS

réalisation, image, montage Florence Mary
production déléguée Frédéric Joyeux – L’atelier des images
coproduction L’atelier des images – Télénantes

design sonore Jérémie Morizeau
design graphique Anthony Le Jallé
étalonnage image Bertrand Latouche
assistante de production Charline Battestini

avec la participation du CNC et de la Région Pays de la Loire
distribution association L’image a un sens

Artistes cités sur cette page

Florence Mary

Florence Mary

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